La ville résiliente se fera à partir d’une gestion efficace des éléments et des ressources naturelles

Cette tribune, signée par Ingrid NAPPI, Économiste, Professeure HDR (Aménagement Urbanisme) de l’École des Ponts ParisTech, Titulaire de la Chaire Économie de la Transition écologique urbaine à l’Institut Louis Bachelier, pose l’idée que la ville résiliente et durable sera non seulement une ville bas carbone qui respecte l’environnement, mais également une ville qui saura s’adapter aux usages et besoins qui ne cessent d’évoluer.

La ville résiliente impose un changement de paradigme, celui de la transition écologique urbaine. L’accroissement de la population urbaine (50 % de la population mondiale aujourd’hui et d’ici à 2050, vraisemblablement 70 %) couplé au réchauffement du climat et aux catastrophes naturelles qui s’intensifient et en découlent, pose la question de la ville non seulement durable mais avant tout résiliente. C’est-à-dire d’une ville sachant s’armer et s’adapter rapidement à ces deux crises majeures.

Les enjeux sont doubles. Bien sûr, la ville résiliente doit décarboner d’une part son bâti, ses immeubles de logements et d’activités ainsi que ses espaces publics, et d’autre part, ses mobilités. Les solutions techniques existent et la plupart des secteurs d’activité concernés se sont adaptés aux nouvelles réglementations et innovations en cours.

Mais la ville résiliente doit également créer des puits de carbone en réintégrant la nature et la biodiversité dans ses projets, dans un contexte nouveau et  multiple : celui de la crise économique avec le retour de l’inflation par les coûts, celui de la crise sociétale qui révèle de nouveaux usages et besoins des habitants, mais également celui de la crise climatique avec les enjeux de la pénurie foncière, de la raréfaction des ressources naturelles en général, des matériaux de construction à la question de la ressource vitale de l’eau.

Autrement dit, la ville résiliente se fera notamment à partir d’une gestion efficace des éléments et des ressources naturelles qui la constituent et se raréfient : le sol, les matériaux de construction, l’eau et la nature. Des solutions et expérimentations post-carbone se mettent déjà en place dans des villes en transition. Les ressources et les filières d’acteurs qui permettent de décarboner les villes existent.  C’est ce qu’on a pu constater dans les trois webinaires et leur synthèse dédiés à la ville résiliente face au changement climatique coordonné avec l’École d’Urbanisme de Paris au sein de l’Institut Louis Bachelier, spécialiste des leviers économiques et financier des transitions climatiques, démographiques, énergétiques et numériques du XXIe siècle.

La parole donnée à des universitaires en lien avec des architectes, des urbanistes et des aménageurs a permis d’explorer les leviers du changement et de la transition écologique urbaine pour neuf villes de la francophonie. Les élus ont le choix de promouvoir les solutions et de former les populations à la ville résiliente.

La question de la sobriété foncière des villes et de l’optimisation des gisements fonciers dans le contexte évoqué de préservation des sols et de création de puits de carbone explore comment le foncier par la transformant de friches industrielles ou urbaines contribue à décarboner la ville tout en favorisant la nature en milieu urbain (nécessaire entre autres pour réduire les îlots de chaleur, permettre la perméabilité des sols, etc.). Elle pose également la nécessité d’optimiser les usages du bâti tant dans le temps et l’espace et de réfléchir à la question de la perception de la ville densifiée.

La raréfaction des matériaux de construction pose quant à elle la question des enjeux de construire autrement la ville dans un contexte où la production des matériaux pour la construction résidentielle et tertiaire, consomme en moyenne 50 % de l’énergie et produit un quart des émissions de gaz à effet de serre dans la plupart des pays. Au-delà de l’inflation et de la hausse des prix des ressources, c’est la question de l’usage ou non des matériaux conventionnels peu résilients au changement climatique tel que le béton, souvent moins onéreux, face au développement des nouveaux matériaux de construction et des initiatives de réhabilitation mais également du recyclage et réemploi des matériaux existants (la pierre par exemple). Des matériaux et solutions alternatives locales en carbone existent aujourd’hui (notamment des matériaux dits bio et géo-sourcés) et permettent à la fois de répondre à l’urgence en termes de neutralité́ carbone tout en réactivant en même temps une économie locale et circulaire. Ainsi, au-delà des ressources et des filières d’acteurs qui existent et se développent, c’est la question de l’acceptation notamment sociale de ces matériaux alternatifs ainsi que leur industrialisation qui est abordée.

Enfin le changement climatique pose de manière urgente la question urbaine de la gestion de l’eau (sous toutes ses formes : usée, polluée, grise ou salée) et particulièrement la problématique de gérer l’eau non plus comme un déchet mais comme une ressource rare en impliquant les habitants et les décideurs politiques dans un dialogue constructif. Le changement climatique qui modifie la répartition spatiale et temporelle des précipitations oblige en effet à repenser aussi bien une ingénierie établie depuis des millénaires (désormais considérée comme nuisible et relativement obsolète) que des pratiques d’aménagement urbain qui ont par le passé renforcé l’assèchement des territoires, en créant des îlots de chaleur tant en surface qu’en profondeur.

Signataire :

  • Mme Ingrid Nappi, Économiste, Professeure HDR (Aménagement Urbanisme) de l’École des Ponts ParisTech, Titulaire de la Chaire Économie de la Transition écologique urbaine à l’Institut Louis Bachelier.

Contributeurs :

Fouad Amraoui, Anders Bölhke, Gabriel Buisine, Armelle Choplin, François-William Croteau, Andrée de Serres, Muriel Delabarre, Guillaume Dekkil, Alain Dupuy, Estelle Goutaudier, François Gruson, Sonia Guelton,  Guillaume Habert, Florian Hertweck, Marlène Leroux, Panos Mantziaras, Beatrice Mariolle, Ingrid Nappi, Ingrid Pechell-Abdarazzak, Nathalie Renneboog, Wolette Thiam, Roelof Verhage, Marcus Zepf.

Ressources :

Webinaires et synthèse de la table ronde disponibles à découvrir ici : https://www.urbanisme-francophonie.org/partagez/table-ronde-la-ville-resiliente-face-au-changement-climatique/

Alors que le monde doit organiser sa transition vers un développement plus respectueux des personnes mais aussi des ressources de la planète et de sa biodiversité, comment penser et construire les villes ? La tribune Urbanisme en Francophonie, publiée une fois par mois, vise à rassembler les témoignages et les réflexions de ce récit original.

 

Ressources documentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires