Faire de l’économie circulaire une réalité des villes : c’est d’abord une affaire d’urbanisme

Selon M. Pierre HURMIC (Maire de la Ville de Bordeaux) : « Les villes idéales sont déjà-là, ce sont celles que nous habitons ». Cette tribune “Urbanisme en Francophonie”, nous rappelle que le temps n’est plus au grandiose et à la démesure, mais à préserver, transformer et sublimer le déjà-là.

C’est un appel à la sobriété et à l’humilité auxquelles nous invitent les auteurs de “La ville stationnaire : Comment mettre fin à l’étalement urbain, Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence De Selva. « Il faut repenser un modèle de développement urbain frugal en sols, en énergie, en matériaux, faiblement émetteur de déchets et de pollution », comme le rappelle Sylvain Grisot dans son “Manifeste pour une ville circulaire.

Ainsi, une nouvelle page de l’histoire des villes s’écrit, dictée par des impératifs environnementaux, sociaux et plus que jamais moraux. Les citadins, moins prompts à se projeter dans les images synthétisées d’une smart-city plus déconnectée que jamais du réel, aspirent aujourd’hui à une ville plus sobre et conviviale. Poursuivre aveuglement la chimère de l’étalement urbain, en consommant toujours plus de terres, de matières et d’énergie, n’est plus envisageable, ni souhaitable.

Une nouvelle page doit s’écrire, plus circulaire, frugale et low-tech. Autant d’adjectifs qui traduisent l’effervescence dans les débats citoyens et les agences d’urbanisme. Car rendre nos villes plus circulaires ne se décrète pas. C’est un processus inédit, démocratique et prospectif, qui tient à un équilibre fragile : savoir se projeter, imaginer ensemble la ville dans 30 ans, tout en cherchant dans nos quotidiens, dès aujourd’hui, les briques qui la constitueront. Et la tâche est immense : logement, mobilité, consommation, alimentation, économie de proximité… Rien ne doit échapper à la révolution circulaire et urbanistique.

Pour développer le réemploi et la réparation, il nous faut rendre aux villes leur fonction productive, en réinstallant, en leur cœur, des ateliers d’artisans, des ressourceries, des matériauthèques et des bricothèques ouvertes au public, et en réservant des espaces pour les stockages de matières réemployables.

Pour rapprocher les lieux de production, de consommation puis de recyclage, en décarbonant la logistique urbaine, il nous faut intensifier la mixité fonctionnelle de nos villes et mieux partager nos espaces publics.

Pour assurer la prospérité de nos villes, sans épuiser nos ressources et nos espaces naturels, il nous faut privilégier la réhabilitation plutôt que la démolition-reconstruction, systématiser la réversibilité du bâti, et recourir aux matériaux biosourcés et réemployés.

Mais s’il est un exemple emblématique de cette nécessité absolue de repenser la ville au regard de la transition circulaire, c’est bien celui de l’alimentation. La révolution agricole de l’après-guerre, avec sa mécanisation et ses intrants chimiques, et l’urbanisation galopante qui l’a accompagnée, ont surtout conduit à une rupture désastreuse de la boucle alimentaire. Le cycle naturel Azote-Phosphore-Potassium, fondamental pour notre agriculture, est rompu. Tout comme le lien producteur-consommateur. Conséquence de ce « progrès », les métropoles du monde ont vu leur autonomie alimentaire, en cas de rupture d’approvisionnement, se réduire comme peau de chagrin (7 jours pour la métropole de Bordeaux). C’est un vrai risque pour nos villes !

De la fourche à la fourchette, et de la fourchette à la fourche, restaurer la boucle alimentaire exige de redessiner la ville et de la replacer dans la perspective d’un territoire plus grand, avec ses spécificités et ses ressources. Pour chaque nouvel habitant accueilli en ville, il nous faut imaginer des solutions d’approvisionnement local, et organiser le retour à la terre de la matière organique :

  • Développer le transport fluvial ou ferroviaire venant des territoires alentours pour faciliter l’accès des marchandises en ville ;
  • Organiser la logistique décarbonée de proximité, par la construction d’entrepôts et de voies dédiées ;
  • Limiter les zones commerciales et grands supermarchés d’entrée de ville, pour favoriser le commerce de proximité et les circuits courts ;
  • Déployer des solutions d’assainissement écologique et de gestion des biodéchets, pour la fabrication de fertilisants et amendements respectueux de l’environnement et des agriculteurs.

Ainsi, la transformation circulaire de l’économie est entre nos mains d’urbanistes, de géographes, d’entrepreneurs, d’habitantes et d’habitants, d’élus locaux. Les villes d’hier et de demain ont en commun l’espace qu’elles occupent, les individus qui les habitent et les collectifs qui y naissent. Mais elles devront changer de visage.

Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence De Selva l’ont écrit dans « La ville stationnaire » : « Belles ou laides, grandes ou petites, elles sont ce que nous devons attacher à conserver, à transformer intelligemment et à transmettre. Efforçons-nous de les rendre plus apaisées, plus agréables, plus préparées et plus vertueuses. Un beau chantier s’ouvre à nous ».

Alors que le monde doit organiser sa transition vers un développement plus respectueux des personnes mais aussi des ressources de la planète et de sa biodiversité, comment penser et construire les villes ? La tribune Urbanisme en Francophonie, publiée une fois par mois, vise à rassembler les témoignages et les réflexions de ce récit original.

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