Balcon maritime beyrouthin, une relation inachevée

L’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones), en partenariat avec le réseau APERAU (Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme) a lancé au travers de l’initiative Urbanisme en Francophonie, un Appel à projets “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, dans le cadre de la Conférence internationale « Le réenchantement des villes : Urbanisme en Francophonie, horizon 2050 », organisée les 2 et 3 octobre 2024, en amont du Sommet de la Francophonie.

Lauréat de l’Appel à projets des Jeunes Ambassadeurs Francophones : “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, l’équipe de l’Université libanaise (Lebanese University), composée de Charbel Tanios Abi Rached, Josiane Abdo Boueiz, Fatima Ragheb Farhat et Rayane Zeaiter et encadrée par Dr. Nina Zeidan, Dr Charbel Meskineh, Dr. Samar Makki, Dr. Hala Abdallah et Dr. Nour Farra, nous présente son poster intitulé : “Balcon maritime beyrouthin, une relation inachevée”.

L’histoire et l’évolution de Beyrouth

Le poster “Balcon Maritime Beyrouthin, une relation inachevée”, explore l’histoire et l’évolution de Beyrouth, une ville méditerranéenne stratifiée, façonnée par des civilisations phéniciennes, grecques, romaines, ottomanes et mandat français. Malgré des destructions répétées, la ville s’est toujours reconstruite sur elle-même, témoignant d’une résilience unique. Cette ville, avec sa morphologie en “balcon”, descend en paliers depuis les montagnes jusqu’à la mer, offrant des points de vue remarquables. Toutefois, cette relation inachevée entre Beyrouth et son littoral est menacée par une urbanisation rapide, dégradant la qualité de vie et la connexion avec la nature.

Le port de Beyrouth, un symbole d’une relation manquée avec la mer, est réimaginé comme un espace public accessible. Sa transformation en un champ de blé, à la suite de l’explosion de 2020, symbolise la mémoire de cet événement tout en revitalisant les sols et l’écosystème local. Le projet intègre également des concepts de mobilité durable,
d’inclusivité, et de régénération urbaine, visant à redonner au public un accès au littoral et à créer une ville résiliente, écologique, et socialement inclusive pour 2050.

“Beyrouth est une perle jetée entre la mer et la montagne baignée par l’écume des vagues, couronnée par la verdure des cèdres”,

Alphonse de Lamartine.

Historiquement, Beyrouth, une ville stratifiée s’est développée à partir de son port naturel en bord de la mer où différentes civilisations telles que phéniciennes, grecques, arabes, orientalistes, etc., ont forgé son identité architecturale et culturelle. Son histoire est un témoignage de la capacité humaine à surmonter l’adversité. La ville, tout en étant marquée par des destructions répétées, a toujours su se relever grâce à la résilience de ses habitants qui ne cessent de montrer une remarquable capacité à s’adapter, à rebondir et à rêver d’un avenir meilleur pour leur ville.

La ville ne cesse de se reconstruire sur elle-même

Le terrassement de Beyrouth a joué un rôle central dans le développement de la ville. Elle semble descendre en paliers de ses quartiers perchés sur les collines jusqu’à ses rives animées qui ont influencées sa structure urbaine et son aménagement. Ce jeu d’altitudes confère à Beyrouth une identité remarquable depuis la mer caractérisée par son sol rocheux allant en cascade et profondeur vers les hautes montagnes de Sannine avec au milieu le ventre où la vie se déplore et devient un rêve à la recherche de relation en continuum.

Est-ce une relation inachevée?

Une impression de “Balcon Maritime” où chaque coin élevé devient un point de contemplation de l’horizon témoignant d’une harmonie entre urbanisme et nature qui se dégénère et perds de sa signification au dépends d’une urbanisation accélérée. Ce fut le leitmotiv de notre approche et lecture de notre ville, où la recherche d’un équilibre entre évolution numérique universelle et la sauvegarde de l’identité.

  • Du premier plan, de la ville qui baigne dans ses eaux apparaît la grotte des pigeons connue sous l’appellation « Raoucheh », et puis vient le phare, le point de repère non seulement pour les navigateurs mais aussi pour les habitants qui le perçoive comme un lieu public du front maritime.
  • En deuxième plan, le ventre de la ville se métamorphose au gré des avancées technologiques et urbanistiques dessinant un nouveau Skyline de méga construction ayant un impact négatif; physique, social et environnemental.
  • En profondeur, Beyrouth 2024 est confrontée à plusieurs problèmes qui menacent sa durabilité et son attrait. Les nouvelles constructions se font aux dépends des maisons traditionnelles tout en envahissant le caractère architectural, socio-urbain et environnemental. L’air est lourd, les déchets voguent sans fin. La pollution des eaux, le déclin des écosystèmes marins et le changement climatique menacent l’équilibre fragile entre la ville et son environnement marin. La voiture domine la ville en l’absence du transport public ferroviaire d’antan.

Notre vision pour Beyrouth 2050

Notre vision pour Beyrouth 2050 vise à rétablir cette liaison en développant une Liaison Durable entre la ville et son environnement. Cette vision tend à redéfinir la relation inachevée de la ville avec la mer à travers une relation synergique entre ses composantes en utilisant plusieurs outils tels quel : balcon vert, architecture, sobriété énergétique, métamorphose, inclusivité, mobilité durable, ceinture verte, revitalisation de l’eau… Les balcons verts sont proposés pour promouvoir l’agriculture urbaine et renforcer les liens sociaux. La sobriété énergétique est essentielle pour réduire l’empreinte carbone, et la revitalisation des écosystèmes marins repose sur l’utilisation du Sargassum, une algue qui capte naturellement le CO2 et aide à restaurer les écosystèmes aquatiques.

  • Le caractère morphologique de la ville lui confère une spécificité de balcon urbain. Beyrouth, ville méditerranéenne jouit 330 journées ensoleillées à l’année, les Balcons Verts contribuent à perdurer une culture ancestrale identitaire fondée sur des pratiques sociales de voisinage, à cela s’ajoute une strate écologique et s’inscrivant dans une culture d’agriculture urbaine de subsistance.
  • Beyrouth en 2050, pourrait devenir une ville modèle pour l’inclusion sociale. Face à la privatisation du littoral et l’envahissement du privé au dépends du public, notre vision tend à redonner le littoral au public et lui garantir un espace public par excellence. Cet espace restitue la relation entre la ville et son littoral.
  • La vision prône une approche de sobriété énergétique visant à diminuer l’empreinte carbone de la ville. Beyrouth souffre d’une pollution atmosphérique chronique, en promouvant une culture de la consommation réfléchie, nous envisageons des initiatives communautaires qui encouragent la réduction de l’utilisation d’énergie.
  • La revitalisation de l’eau s’attache à la préservation des écosystèmes marins. Dans notre vision, nous avons mis en avant les thèmes de Guérir le Climat et Restaurer notre mer, en intégrant le Sargassum, une algue, qui capture naturellement le CO2 en croissant et en s’enfonçant au fond marin. En présentant l’agriculture d’algues à grande échelle le long de la côte libanaise, nous montrons comment cette pratique durable peut favoriser la croissance économique tout en positionnant Beyrouth comme un leader dans la gestion environnementale.
  • Nous visons à régénérer la fonction actuelle du port de Beyrouth et de la renouer avec les quartiers avoisinants à travers des mobilités douces et durables. Le port de Beyrouth occupe une surface considérable du littoral nord de la ville, il a toujours entretenu une relation inachevée avec la mer. Sa fonction se limite au transport commercial inaccessible au public.
  • La conversion du port en un champ de blé, non seulement représente cette mémoire, mais aussi permettrait de revitaliser les sols en utilisant des techniques agricoles durables contribuant à la décontamination et à la restauration de l’écosystème local. Lors de l’explosion du port, les silos à blé construit entre 1961 et 1968 ont agi comme une barrière absorbant une grande partie de l’onde de choc en protégeant ainsi certains quartiers de la capitale.

Malheur à la nation qui se vêt de ce qu’elle n’a pas tissé, qui mange ce qu’elle n’a pas semé, qui boit ce qu’elle n’a pas pressé… “,

Gibran Khalil Gibran.

© Crédit Photo : William Gouzien (Remise des prix à la Conférence Internationale Urbanisme en Francophonie)

2 octobre 2024

Étant donné la situation actuelle au Liban, l’équipe lauréate n’a malheureusement pas pu se déplacer pour cet événement. M. Jad Tabet (architecte, urbaniste, ancien représentant au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, ancien président de l’ordre des ingénieurs et des architectes à Beyrouth, président de l’Organisation des architectes arabes et professeur des universités), ci-dessus sur la photo, a accepté de représenter l’équipe en tant que délégué.

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