Ville du quart d’heure, ville des GAFA ?

Que cache le retour en grâce récent du thème de la ville du quart d’heure ? Mettant les discours à l’épreuve des faits, Marco Cremaschi, Professeur à l’École urbaine de Sciences Po Paris, où il dirige le Cycle d’Urbanisme, souligne la menace d’un nouveau clivage social rendu possible par l’emprise croissante des GAFA sur les villes.

Le mirage de la ville du quart d’heure fait florès en France. L’impulsion est venue du confinement du printemps 2020, qui a replacé au centre des débats le rêve de proximité tout en imposant un clivage entre les personnes travaillant à domicile (confinées dans un cercle d’un kilomètre, un rayon de 15 minutes à pied) et les agents de la logistique et de la distribution, libres (façon de parler) de se déplacer au service des confinés.

Après le premier confinement, le thème a été immédiatement mobilisé dans la campagne d’Anne Hidalgo au second tour des municipales 2020 à Paris. La capitale française s’inscrit ici dans un mouvement international : la « ville du quart d’heure » a été inscrite à l’agenda du club des villes du C40/Cities Climate Leadership Group (Sala et al. 2020) et est également promue à Montréal, Milan, New York et ailleurs.

La « ville du quart d’heure » est la ville des micro-quartiers censée assurer l’accès aux principales fonctions à courte distance. L’impératif, c’est réduire les déplacements : l’attendu, c’est une nouvelle socialité de proximité. On est loin de la métropole « turbo-capitaliste » qui promet (mais n’assure pas) des déplacements rapides en métro ou par autoroute à l’échelle de la région urbanisée.

Pourtant, dans la métropole de Paris, le plus grand ouvrage public du continent est en construction : le doublement du métro, avec deux anneaux autour de la ville, promet que les banlieues seront accessibles de l’une à l’autre et que ceux qui y habitent auront accès à un marché du travail plus large. Il ne fait aucun doute que la proximité fait aujourd’hui rêver, probablement pour éviter la fatigue des déplacements en voiture ou transports en commun toujours plus lointains.

Mais la proximité n’est pas banale et n’est pas sans dilemme : par exemple, la proximité des lieux de travail est un compromis complexe entre organisation sociale et choix individuels, souvent sous les contraintes de la vie en couple ou en famille.

La promesse de l’ubiquité est donc un rêve, pas un modèle ni une théorie. Il serait vain de chercher des données, des fonctions ou des preuves au-delà de la référence omniprésente à « l’échelle humaine », qui est le trait commun, quoique vague, des nouveaux urbanistes aux USA ou des professionnels influents comme le brésilien Jaime Lerner ou le danois Jan Gehl, qui légitiment et réveillent le piéton en chacun de nous.

C’est surtout un rêve à la mesure des employés et utilisateurs du numérique, qui travaillent sur le Net et reçoivent par colis des marchandises. Derrière la représentation idéalisée de la courte distance grouillent les fourmis ouvrières des plateformes digitales, dont le pouvoir incontesté se conjugue mal avec la revendication d’autogestion locale.

Cette ville courte combine alors quatre composantes : « proximité, diversité, densité et ubiquité » (Moreno et al. 2021). Les trois premières appartiennent à la tradition de la sociologie urbaine : Louis Wirth définit la ville en 1938 comme un espace concentré, dense et divers. Le quatrième est le nouvel aspect…”.

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