Québec a dévoilé un nouveau cadre réglementaire qui concerne les zones près des cours d’eau. On apprend que la nouvelle cartographie pourrait concerner 77 000 logements (environ 2 % de la population), soit trois fois plus que les précédentes estimations. Discussion avec Isabelle Thomas (Vice-doyenne recherche à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et Directrice du groupe de recherche-action en résilience urbaine ARIAction).
Une nouvelle cartographie des zones inondables
Trois fois plus de Québécois vivraient en zone à risque d’être inondée, selon la nouvelle cartographie proposée par le gouvernement, qui invite la population à se prononcer sur la modernisation des règles concernant les zones inondables. Ces nouvelles cartes, basées sur les connaissances scientifiques les plus récentes, prendront en compte à la fois la fréquence des inondations, leur intensité en fonction de la profondeur d’eau atteinte, la présence d’embâcles, ainsi que les impacts des changements climatiques.
Les citoyens sont appelés à donner leur avis sur plusieurs nouveaux règlements, dont la modernisation de la cartographie des zones inondables et les règles qui vont encadrer les ouvrages de protection contre les inondations (OPI), comme les digues ou les murs anti-crue.
Actuellement, la cartographie des zones inondables présente des cotes de récurrence de « 0-20 ans » et de « 20-100 ans » alors que la nouvelle génération de cartes propose une nouvelle classification avec quatre catégories de risques : faible, modéré, élevé et très élevé. À titre d’exemple, « très élevé » correspond à un risque de plus de 70 % d’être inondé au moins une fois sur un horizon de 25 ans et à une intensité de l’eau de plus de 60 centimètres lors d’une inondation. Lorsque l’eau atteint cette intensité, les véhicules d’urgence ne peuvent plus circuler.
Il n’y a rien dans la réglementation proposée qui obligerait un riverain à déménager. Toutefois :
- chaque niveau de risque correspond à de nouveaux règlements concernant la construction et la rénovation des résidences qui sont situées dans ces zones,
- dans la zone « élevée », les nouvelles constructions seraient interdites (certaines exceptions sont toutefois prévues et celles-ci devraient être accompagnées d’un plan de gestion de risques : ex : un propriétaire pourrait toutefois effectuer des rénovations ou des modifications comme changer l’endroit où est située l’entrée électrique, ou alors aménager des chambres au deuxième étage, de façon à rendre sa résidence plus résiliente aux inondations).
Un nouvel encadrement des OPI
À l’heure actuelle, il y aurait une trentaine d’ouvrages de protection contre les inondations (OPI) sur le territoire. Il s’agit de murs anti-crue de béton ou encore de digues comme celle de la ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, dans les Laurentides, qui avait cédé au printemps 2019. La crue avait causé des dommages considérables et nécessité l’évacuation d’urgence de milliers de personnes sur environ 50 rues.
Le gouvernement compte imposer une série de mesures pour s’assurer de la sécurité de ce type d’infrastructures, dont :
- la mise en place d’un registre public,
- la réalisation d’une étude de caractérisation et la diffusion du résumé (le coût ponctuel d’une telle étude est estimé à 85 000 $),
- l’intégration des mesures de prévention dans les plans de sécurité civile des municipalités disposant d’OPI,
- l’exigence de normes sur la surveillance et d’entretien des OPI.
Un milliard de dommages
Dans un communiqué, le ministère de l’Environnement a indiqué que la réglementation proposée est nécessaire en raison de l’ampleur des changements climatiques. Le ministère a rappelé qu’ :
- en 2017 : la crue a forcé l’évacuation de plus de 4000 personnes et a touché 293 municipalités,
- en 2019 : plus de 10 000 personnes dans 240 municipalités ont été évacuées en raison d’inondations alors que des milliers de résidences ont été inondées,
- au printemps 2023 : près de 300 propriétés ont été touchées par les inondations à Baie-Saint-Paul et à Saint-Urbain, dans Charlevoix.
Le gouvernement estime qu’à elles seules, les inondations de 2017 et de 2019 ont coûté plus d’un milliard de dollars à l’État.