Le benchmarking des meilleures pratiques est le tremplin de l’urbanisme africain

Déployer l’urbanisme dans les villes africaines sans favoriser au préalable la responsabilisation en la matière des collectivités territoriales, revient à mutiler le développement urbain. Aussi vrai que la participation citoyenne soit vitale à la ville durable.

Selon Beaugrain Doumongue, ingénieur du bâtiment, docteur en génie civil et physicien du bâtiment (il se définit davantage comme un « socioingénieur » du fait de son engagement au profit du développement des bâtiments et villes durables en Afrique), Président de Construire pour Demain (association de promotion des bâtiments et villes durables en Afrique) et cofondateur de Starksolutions (cabinet de conseil en intelligence territoriale) :

Dire qu’il faut renforcer la participation des collectivités locales à l’aménagement urbain en Afrique serait un euphémisme. C’est en effet en cela que la concertation est importante, car le développement urbain est le fait d’une multitude d’acteurs publics et privés dont les regards participent à une organisation rationnelle et économe de la ville. Aussi bien en termes de planification que de mise en œuvre, les États et collectivités territoriales doivent entendre l’appel de la société civile qui ne revendique plus simplement la participation aux décisions mais propose des solutions techniques et administratives, en leur tendant la main pour un partenariat“.

Trouver du sens

Les différents Schémas directeurs d’aménagement urbain devraient être le pur résultat d’une mise en commun des objectifs et visions étatiques et communaux avec la participation des tiers (groupes d’intérêts). Ceci permettrait, au moins aux plans conceptuel et politique, une meilleure consécration de l’autonomie locale. L’enjeu crucial de ce sujet est d’opérationnaliser le plus largement possible, « la participation » des administrés à la réalisation des projets de leur ville. Depuis la définition des objectifs jusqu’à leur implémentation physique au sein de l’espace territorial local.

C’est tout le rôle des agences d’urbanisme qui se développent de plus en plus sur le continent. Ce sont de véritables outils d’ingénierie qui accompagnent les politiques publiques nationales et locales, permettant aux autorités locales d’effectuer un travail de fond et dans la durée sur la planification, l’aménagement et l’orientation spatiales de leurs territoires. Existant sous des formes et attributions diverses, ces agences d’urbanismes (notamment celles du Mali et du Maroc) sont de véritables leviers de gouvernance urbaine, qu’il faut encourager au maximum dans les métropoles africaines.

Dans la réalité, les collectivités locales africaines n’interviennent pas vraiment en matière d’urbanisme sous le signe de la décentralisation, car l’omniprésence juridique et technique de l’État menace la réalisation des politiques urbaines d’inefficacité. Il faut poser les bases solides des interventions en matière d’urbanisme pour éclairer des zones d’ombres et garantir le succès des opérations sur le terrain. C’est à cet effet que dans le cas de Kinshasa le professeur Corneille Kanene qui a dirigé pendant 16 ans l’agence locale de l’ONU Habitat disait : « Aucun projet urbanistique à Kinshasa ne peut se faire sans régler la question institutionnelle. Il y a actuellement un gouverneur pour cette ville-province et des bourgmestres qui gèrent les communes, mais personne entre les deux ». Au-delà du symbole, l’enjeu véritable reste la clarté du cadre, sous réserve de la disponibilité en lieu et place souhaités des compétences adéquates.

Construire des passerelles

Si l’urbanisme est sans conteste une affaire mixte, elle représente un challenge de cogestion entre les États et les collectivités africaines, dont le cadre a besoin d’être fixé et libellé sans ambages, pour définir les conditions d’une participation plus accrue des collectivités aux décisions, et de l’attribution de leurs compétences en la matière. Il est, à cet égard, important de noter que la ville de Ouagadougou, dispose d’une autonomie financière et administrative pour planifier le développement de la ville sous la tutelle (administrative) du ministère de l’administration territoriale et du ministère des finances du Faso. La ville, dans le cadre de l’intercommunalité, met en place un cadre de concertation avec les communes voisines pour appeler, de commun accord, le législateur à une révision des textes au profit d’une prise en charge locale des politiques publiques urbaines. C’est là un exemple frappant des possibles du renouveau urbanistique africain sous l’influence des collectivités.

L’urbanisme est une matière aussi vitale qu’incontournable dans la perspective du développement durable des villes africaines. L’État et les collectivités locales doivent en faire un allié privilégié de l’action territoriale, pour déployer un cadre cohérent de mise en œuvre sur du long terme de la ville de demain. Pour cela, il faut tabler sur la participation des acteurs concernés, dans le but de dégager les voies et moyens nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés, pour le meilleur intérêt des parties prenantes. Un nouvel équilibre entre les pouvoirs nationaux et locaux est à construire.

Qu’il n’existe aucun modèle idéal de développement urbain ne fait pas débat. Il n’y a uniquement que des sources d’inspiration. Dans ce domaine, les expériences et savoir-faire ne sont pas unidirectionnels. Le benchmarking des meilleures pratiques reste le tremplin de l’urbanisme africain. Mais son succès dépendra de son adaptation au réalités locales.

TRIBUNE à lire ? et à écouter ?

Ressources documentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires