Cette année, 37 articles ont été adressés au Prix de l’article scientifique francophone en aménagement de l’espace et urbanisme, ce qui constitue un nombre record. Au sein des 32 articles adressés au Prix de l’article scientifique de l’APERAU Internationale au titre de l’édition 2024, le jury en a retenu 5 en deuxième tour, saluant leur grande qualité et la difficulté du travail de sélection. Il s’est accordé pour désigner comme lauréat l’article de Romain Leclercq paru dans la revue Critique internationale, revue comparative de sciences sociales.

Après examen, 5 articles ont été écartés car ils ne remplissaient pas les critères du Prix (date de publication, langue, soumissions multiples pour la même édition). Parmi les 32 articles examinés par le jury au 1^er tour :

• 25 étaient des articles publiés dans des revues internationales à comité de lecture,
• 5 étaient des chapitres d’ouvrages scientifiques,
• 2 étaient des ouvrages scientifiques.

Si la plupart des articles soumis ont été publiés dans des revues éditées en Europe, on note une progression très importante des revues éditées en Amérique du Nord (Canada), en Amérique du Sud (Brésil) et en Afrique, ce qui témoigne de l’ouverture internationale croissante du Prix de l’article scientifique.

Article lauréat

LECLERCQ Romain, 2023, « Une adaptation (infra)structurelle ? des ingénieurs face aux inondations dans la banlieue de Dakar », Critique internationale, vol. 1, p. 95-115.

Résumé : À travers une ethnographie des inondations récurrentes que subit la capitale sénégalaise depuis la fin des années 1980, je questionne les politiques d’adaptation de la ville aux transformations environnementales en cours à l’échelle planétaire. En suivant les ingénieurs, chefs de projet et hydrologues engagés dans la réalisation d’une infrastructure de drainage à l’échelle de la banlieue de Dakar, je décris trois opérations essentielles à la réalisation de ce type de projet : tout d’abord, la simplification du paysage de la ville en un réseau hydrographique, ensuite, la modélisation du réseau de drainage à l’échelle de la ville, enfin, le processus d’éviction/compensation des habitants de la ville qui « gênent » le passage de l’infrastructure. Dans le champ des infrastructure studies, ma démarche présente l’originalité de s’intéresser à la réalisation de cette infrastructure, et pas seulement à ses (dys)fonctionnements. Dans celui des études urbaines, elle questionne les politiques d’adaptation de la ville au nouveau régime climatique, en mettant en évidence à la fois l’empreinte de « regards professionnels » sur les formes de cette adaptation et les coûts politiques et sociaux de ces politiques.

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Commentaire du jury

“L’article primé s’intéresse à la production d’infrastructures hydrauliques dans la banlieue de Dakar dans le cadre de l’application d’un nouveau paradigme d’action publique, celui de l’adaptation des villes aux catastrophes climatiques, incarnées ici par des inondations récurrentes. Ancré dans le champ des Infrastructure studies, l’article montre comment le « regard professionnel » de l’ingénieur contribue, au moment de la planification de l’infrastructure, à réorganiser l’action publique, à restructurer le paysage urbain et à produire un coût social spécifique.

L’article, qui fait suite à une thèse en sociologie, est basé sur un travail ethnographique très riche mêlant participation observante, suivi de professionnels sur le terrain, exploitations de la presse locale, réalisation d‘entretiens semi-directifs (habitants, associations, État, Banque mondiale, ONG). Mobilisant des extraits d’entretiens qui rendent le texte très vivant, il permet de mettre en évidence comment ce changement de « regard professionnel » sur la gestion des inondations s’opère en trois phases : la simplification du paysage de la ville en un réseau hydrographique ; la modélisation du réseau de drainage visant une séparation entre l’eau et le milieu urbain ; le processus d’éviction/compensation des habitants de la ville qui « gênent » le passage de l’infrastructure.

L’analyse très fine de la gouvernance du risque (arbitrages opérés et leurs tenants, ressorts sociaux et politiques qui président à la prise de décision) fait ressortir des enseignements précieux sur les modalités du déploiement des politiques d’adaptation des villes au changement climatique et de leurs limites au regard de la prise en compte différenciée des dimensions techniques, politiques et sociales. Cet article propose ainsi une véritable réflexion sur l’action et vers l’action, qui ne manquera pas d’intéresser aussi bien le monde académique que les praticiens du champ de l’aménagement de l’espace et de l’urbanisme”.

Devisme & P. Lejoux, co-présidents du jury

Membres du jury

• Samia BENABBAS KAGHOUCHE, Vice-Présidente de l’Académie algérienne des Sciences et Technologies
• Samuel DEPREZ, Université du Havre
• Laurent DEVISME, Nantes Université, École nationale supérieure d’architecture de Nantes, co-président du jury
• Yona JEBRAK, Université du Québec à Montréal
• Isabelle LAUDIER, Institut de la Recherche – Caisse des Dépôts et Consignations
• Patricia LEJOUX, LAET – ENTPE Lyon, co-présidente du jury
• Thomas ZANETTI, Université de Lyon 3

Articles nominés

Deux articles, traitant également du thème des inondations, ont retenu également toute l’attention du jury :

• GRALEPOIS Mathilde, 2023, « Visibilité des aménités, invisibilisation des inondations. L’inondation dans l’écoquartier à La Riche (agglomération de Tours) », Développement durable et territoires, vol. 4, n°3, DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.23238
• GUEVARA VIQUEZ Sofia, 2023, « Inondations et ville à San Jose (Costa Rica) : la crise comme moteur des réseaux techniques et politiques », Flux, vol. 2, n° 132, p. 45 – 65