L’art et les cultures urbaines, enjeux et facteurs de développement et de paix

Cette tribune a été prononcée par Pierre Baillet, Secrétaire Permanent de l’AIMF, en ouverture du colloque sur “L’art et les cultures urbaines, enjeux et facteurs de développement et de paix” dans le cadre du congrès #AIMFCotonou2023.

« La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société » disait Victor Hugo. C’est signifier combien le soutien apporté aux arts de la rue est une politique culturelle des villes. Ils portent également en eux une vision du monde où les mots corps social, tissu urbain, art public, qu’il soit ou non éphémère comme le sont les murs de façade peints, ont tout leur sens. Les fresques de Cotonou en sont la preuve.

Les arts de la rue sont davantage qu’une catégorie spécifique du spectacle vivant : ils sont une démarche artistique globale, un véritable creuset, porteur d’un dialogue et de rencontres entre les disciplines artistiques et les populations locales. Et j’en ai pris la mesure lors de mon dernier déplacement à Tunis et Cotonou, ville de culture par excellence, nous en fera très bientôt la démonstration.

Les arts de la rue présentent donc cette caractéristique très importante qui est le contact direct avec les populations. Ils permettent, avec leur diversité de langage, du monde forain au burlesque en passant par le sport, de dépasser l’obstacle de l’intimidation sociale qui existe souvent lorsqu’il s’agit de franchir la porte d’un théâtre ou d’un lieu de culture, quel qu’il soit.

Grace aux arts de la rue, une collectivité locale peut affirmer sa politique de démocratisation et de partage du geste artistique avec les populations. Une politique essentielle pour favoriser le rapprochement des femmes et des hommes porteurs de cultures différentes. Une politique essentielle pour favoriser l’appropriation du territoire et la paix sociale.

Encore faut-il qu’il y ait des espaces de rencontre ! Les arts de la rue me ramènent donc à la préoccupation qu’a l’AIMF pour l’urbanisme, l’espace public et les valeurs qu’il porte. L’espace public, quel qu’en puisse être sa forme, rue, place, friches, rassemble et permet de diffuser largement : parce qu’il appartient à tous, il agrège et fédère de nouveaux publics. Dans l’espace public, en effet, nous sommes libérés de tous les codes sociaux qui peuvent s’attacher au rituel d’une représentation de théâtre, d’opéra ou de danse. Nous sommes d’une certaine manière plus libre, moins conditionnés pour la réception du spectacle qui nous est proposé.

C’est pour cet ensemble de raisons que les arts de la rue, plus encore que d’autres formes d’expression artistiques, ne peuvent être dissociés des enjeux urbains, architecturaux, et des questions sociales qui intéressent un territoire, une ville, un quartier.

Mesdames Messieurs les Maires ils nous appartient donc de cultiver l’extraordinaire, la surprise, l’émerveillement au cœur du quotidien. Il nous appartient aussi de faciliter l’échange de savoir-faire et de former les acteurs pour accroitre la valeur intrinsèque de leurs témoignages.

Mais, aujourd’hui, nous ne pouvons en rester à ce seul message. Chers Amis, il m’appartient, à ce moment, de rappeler que le thème de ce Congrès s’inscrit dans un contexte plus global et m’est impossible de le passer sous silence.

En effet, la rencontre de Cotonou intervient à un moment bien particulier dans les relations internationales. Celui d’une recomposition accélérée de l’échiquier international, qui va de pair avec la volonté de laisser derrière nous, enfin, une perception et des attitudes vis-à-vis de l’Afrique qui ne sont plus acceptables. Avec un réseau composé aux 2/3 de villes africaines, avec l’histoire qu’elle porte en héritage, celle de la colonisation, l’AIMF est bien sûr traversée par ces débats et par cet espoir d’un changement réel et définitif.

Ces enjeux, et vous le savez tous ici, sont pour nous depuis des années un cheval de bataille. Que ce soit dans le fonctionnement de nos institutions ou dans la manière dont nous travaillons ensemble autour des projets portés par les villes, nous nous attachons chaque jour à construire une autre coopération, une autre manière de voir et de faire. En partant des demandes des villes pour construire notre programme d’action (et non l’inverse), en donnant la priorité à l’expertise du Sud, en soutenant la coopération sud-sud et le dialogue sous régional… Cette démarche, qui est la notre, a quelque chose à dire au monde, et l’état d’esprit qui porte la coopération que nous construisons ici ont, il me semble, quelque chose à dire au monde. Nous devons en être fiers, le faire savoir, et nous servir de cette base pour transformer les choses en activant tous les leviers à notre disposition.

Je veux, qu’il soit dit, ici, que nous ne devons pas nous satisfaire de cette démarche que nous avons construite et qui devrait en réalité simplement être la norme. Nous devons aller encore plus loin, continuer de faire de l’AIMF cet espace d’ouverture à l’autre, où nous remettons en cause nos certitudes et où nous bousculons nos habitudes. La Déclaration de Cotonou, mais aussi la programmation stratégique qui sera soumise à votre vote, doivent être l’expression de notre volonté de porter encore plus loin le changement. Elles doivent être le reflet du message que nous entendons porter au monde en matière de coopération. L’expression de notre diplomatie, de notre capacité à être une force de changement pour les relations internationales.

Signataire :

  • Pierre Baillet, Secrétaire Permanent de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).

Alors que le monde doit organiser sa transition vers un développement plus respectueux des personnes mais aussi des ressources de la planète et de sa biodiversité, comment penser et construire les villes ? La tribune Urbanisme en Francophonie, publiée une fois par mois, vise à rassembler les témoignages et les réflexions de ce récit original.

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