Étude des étudiants de l’Institut de Géoarchitecture de Brest

L’atelier professionnel est une des activités les plus importantes du programme du master Urbanisme et Aménagement de l’Institut de Géoarchitecture de Brest. Il rapproche la formation des attentes et des pratiques du monde professionnel. Ses objectifs, son fonctionnement, son encadrement et son évaluation relèvent d’un exercice appliqué : les étudiants sont placés en situation professionnelle et doivent répondre à une commande réelle passée par une administration d’État, une collectivité locale, un EPCI, une entreprise ou groupement, une SEM, une association, etc. qui contractualise avec l’association des étudiants.

Sujet Atelier AIMF 2020-2021 : Comment aider à définir un urbanisme francophone ou tout au moins comment identifier les caractéristiques spécifiques de l’aménagement et de l’urbanisme quand elles s’expriment et se réalisent en langue française ? Cette question a conduit à rechercher les meilleures manières de vérifier l’hypothèse qu’il existerait bien une spécificité de l’urbanisme francophone comme il existe un urbanisme anglo-saxon. Pour valider l’hypothèse, il a semblé préférable de rassembler les faits, les indices de la preuve qui relèvent tout à la fois des lieux de la ville, des images de la ville, des imaginaires de la ville.

Ce travail de construction d’un matériau sur l’urbanisme francophone a été réalisé d’octobre 2020 à mars 2021, par un groupe de 6 étudiants en deuxième année du master Urbanisme et Aménagement de l’Institut de Géoarchitecture : Mira Hendel, Louise Jean-Albert, Pierre Quilliou, Charlène Roulph, Sophie Wanham et Ilham Yousfi. Ce travail a été encadré par deux professeurs de l’Institut de Géoarchitecture, Patrick Dieudonné, Architecte et Directeur de l’Institut de Géoarchitecture et Amandine Diener, Architecte et Docteur en histoire de l’architecture et été sous la direction de Monsieur Pierre Baillet, Secrétaire permanent de l’AIMF, avec l’accompagnement de Charlotte Bleunven, ingénieur d’études pour l’AIMF et Lionel Prigent, Urbaniste et Économiste, Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) et Directeur du Laboratoire Géoarchitecture.

Cet atelier a été réalisé en plusieurs étapes :

1.Réalisation d’un questionnaire

Pour commencer cet atelier, l’équipe de travail a d’abord interrogé les étudiants en urbanisme des Écoles membres de l’Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme (APERAU) sur les sujets suivants : la ville, les lieux, la francophonie. Leur regard a permis de dégager des informations sur l’image de la francophonie à l’heure de la globalisation et sur son avenir ressenti. Mené sur l’ensemble de l’année scolaire, ce questionnaire à destination des étudiants a été un apport important dans leurs réflexions. Traitant de l’urbanisme francophone et de l’ensemble des problématiques abordées plus tôt, il a nécessité un travail en plusieurs étapes.

  • Réalisation d’une pré-enquête 

Cette démarche préparatoire, visait à faire réagir des étudiants de l’Institut de Géoarchitecture de Brest  sur un premier questionnaire à questions ouvertes. L’objectif était de relever les éléments de technicité (liés à la formation des étudiants) et l’imaginaire des étudiants. Les étudiants de l’Institut de Géoarchitecture se sont rapproché des associations d’étudiants et du réseau APERAU comme relais pour faire des entretiens à distance.

  • Réalisation d’un questionnaire

Sa production et la rédaction des questions s’est fait à partir des éléments de réflexion et d’une trame prérédigée. L’équipe de travail l’a construit autour du plan du premier rapport avec une ouverture relative aux questions sur la thématique de la ville durable francophone.

  • Diffusion de l’enquête

Dès réception de la pré-enquête, les étudiants se sont appuyés sur une quarantaine de questionnaires pour utiliser les premières réactions afin de réaliser une enquête plus aboutie auprès de l’ensemble des étudiants des écoles du réseau APERAU, des Écoles d’ingénieurs ou encore des Écoles Polytechniques. Les étudiants de l’Institut de Géoarchitecture se sont aussi rapproché des associations d’étudiants et du réseau APERAU comme relais pour diffuser l’enquête. Ils ont établi un message d’information (par mail, via les sites internet des écoles ou via des réseaux sociaux) dans lequel apparaissait le lien vers le questionnaire et assurer les relances pour obtenir la meilleure représentativité sur l’enquête.

  • Analyse de l’enquête

Avec 104 réponses sur cette dernière version, les étudiants brestois ont pu établir des tendances quantitatives sur l’ensemble de questions suivantes :
– Quels sont les outils que vous utilisez dans l’ensemble de vos travaux?
– Dans le cadre de vos études, mobilisez-vous des sources francophones ?
– Selon vous, quelles sont les 6 valeurs centrales de la francophonie ?
– Selon-vous, comment se traduit principalement la francophonie sur un territoire ?
– Quelles sont, selon vous, les caractéristiques communes aux villes francophones ?
– Pensez-vous que ces similitudes découlent de méthodes communes de conception urbaine ?
– Ces similitudes ont-elles un lien avec le passé colonial des territoires ?
– De quelle manière les valeurs de la francophonie se manifestent-elles principalement dans l’espace urbain ?
– Pouvez-vous citer cinq villes francophones, emblématiques, selon vous, à travers le monde ?
– Pourriez-vous importer une image de la ville qui, selon vous, illustre le mieux la francophonie?
– Vous sentez-vous familier avec la culture francophone ? (langue, participation à des évènements, pratiques culturelles…)
– Selon-vous, la francophonie tend-elle à se développer ?
– Si vous en aviez la possibilité, que mettriez-vous en place pour valoriser l’urbanisme francophone ?

Des éléments qualitatifs ont également été apportés sur les questions suivantes :
– Quelles formes de stratégies de gouvernance permettraient de répondre à des problématiques globales tout en affirmant l’authenticité francophone ?
– Quelles formes de productions urbaines permettraient de répondre à des problématiques globales tout en affirmant l’authenticité francophone ?

  • Des entretiens pour aller plus loin

Pour finir, ils ont proposé, aux répondants du questionnaire, de leur accorder des entretiens en
visioconférence pour approfondir leurs réflexions sur cette thématique. Il en est ressorti que la francophonie comme une communauté internationale n’était pas une évidence avant ce questionnaire et ces contacts. Mais après celui-ci les personnes interrogées ont souligné que la ville francophone a son rôle à jouer dans le développement durable. L’idéologie du vivre ensemble est centrale selon eux dans la dynamique de privatisation des espaces urbains, largement minimisée dans les villes francophones. La valorisation des démarches culturelles est également un élément qui, comme dans le questionnaire, ressort à plusieurs reprises.

En conclusion, le questionnaire tend à confirmer un grand nombre d’hypothèses formulées au départ. Certains points qui semblaient secondaires comme la valorisation des espaces publics ressortent comme des priorités pour les futurs acteurs de l’urbanisme francophone. L’équipe de travail s’est aperçu qu’au fur et à mesure du déroulé du questionnaire, les répondants se sont détachés de la langue française pour s’inscrire dans l’idéologie de la ville francophone, à l’image de l’évolution de leur réflexion.

2. Réalisation d’un rapport d’étape et final

  • Rapport intermédiaire

Dans un premier temps, les étudiants se sont affairés à construire une réflexion et un corpus de références sur le croisement de ces sujets. Le premier enjeu a été de sortir du simple prisme de l’Histoire coloniale pour s’attacher à des relations plus horizontales et coopératives actuelles entre les territoires francophones. Leur travail de recherche a été introduit par les aspects de la francophonie les plus détaillés et référencés, à savoir les éléments sur la francophonie et la langue française, la description du monde francophone et de sa gouvernance.

Dans un deuxième temps, ils ont recentré leurs propos autour de la question centrale du rapport intermédiaire : existe-t-il une manière francophone de produire, gouverner et pratiquer la ville? La gouvernance a été leur premier axe de recherche pour répondre à cette question, mais cette fois-ci, sujet traité à l’échelle des villes francophones (la partie précédente traitant de l’espace international), car c’est une question centrale chez les acteurs de la ville, notamment les maires. Étant les élus les plus à proximité de leurs habitants, leur rôle tient en une communication constante et le maintien d’une ligne politique forte vis-à-vis de leurs concitoyens. C’est à cet élu qu’incombe le rôle majeur de coordination de son territoire. En s’intéressant plus particulièrement aux questions des projets urbains, la maîtrise d’ouvrage territoriale semble être un levier important du dialogue entre tous les acteurs du projet, à commencer par les élus locaux mais aussi les habitants et associations locales.

Pour organiser cette coordination territoriale encore faut-il disposer d’outils et de politiques de
planification. Sur ce point, de nouveau, on retrouve des constantes en matière de planification sur les villes francophones. Mais la structure urbaine à elle seule n’est pas représentative de l’urbanisme. Ainsi pour élaborer un urbanisme francophone ils leur sont paru pertinents de traiter ensuite des productions bâties et paysagères. Ils se sont appuyés, sur des éléments de réflexion et une intuition sur une potentielle similitude dans les occupations des espaces dans les espaces urbains francophones pour répondre à la question suivante : Si la production, la planification et la gouvernance des villes francophones tendent à se ressembler, des pratiques communes sont-elles aussi observables et théorisables ?

Autre pratique francophone de la ville qu’ils ont tentée de théoriser, c’est celle de la gestion de la question patrimoniale. Il est possible de remarquer que des stratégies, via des actes juridiques ou des documents d’urbanisme, sont présentes dans les pays francophones, témoignant ainsi d’un intérêt pour la conservation et la valorisation d’édifices à la portée historique et culturelle emblématique.

  • Rapport final

La question qui leur est venue suite à la théorisation de ces constantes a été l’avenir de la ville francophone et le rôle de la francophonie dans l’avenir du développement urbain durable. Après avoir ouvert leur premier rapport sur la question d’une potentielle ville durable francophone, ils se sont lancés dans la production d’un rapport final axé autour de cette perspective.

Le sujet de la ville francophone étant large, ils ont décidé de s’orienter autour de certains éléments urbains particuliers, dont les questions de gouvernance urbaine, d’inclusivité, d’enseignement et d’accès à l’éducation, de gestion et de valorisation des déchets, de consommation foncière, de dotation territoriale, de climat et d’économie sociale.

Pour chaque élément, ils ont produit une courte présentation de la thématique, un recueil d’outils mis en place dans l’espace francophone, un recueil et une valorisation des retours étudiants sur la question et quelques propositions de pistes d’actions.

Pour beaucoup, ressort la nécessité d’une gestion des questions à l’échelle locale, de manière inclusive et participative. Les réponses aux problématiques de durabilité qu’elles soient localisées ou internationalisées ont été, selon les exemples d’action, traitées en tenant compte des réalités sociales, économiques et environnementales du terrain d’application.

3. Réalisation de fiches thématiques

Afin de rendre ces premières recherches plus accessibles et diffusables, l’équipe de travail a simplifié leurs propos au travers de 9 fiches thématiques. Ces fiches d’une à sept pages résument leur réflexion en reprenant des éléments de définitions, des dates clés, des résumés et des exemples pour les thématiques suivantes :

  • Les héritages coloniaux

Fiche 1 : Les « Jardins à la française »

Fiche 2 : La planification à Thessalonique

Fiche 3 : La ville de Beyrouth

  • Les réappropriations territoriales

Fiche 4 : Du compartiment au “nouveau style français”

Fiche 5 : Patrimoine et villes francophones

Fiche 6 : L’urbanisme et ses évolutions dans les pays du Sahel

  • Les coopérations et le développement d’un urbanisme francophone

Fiche 7 : Les modèles d’enseignement francophones de l’urbanisme

Fiche 8 : Les partenariats Maroc – Vietnam

Fiche 9 : La compétence territoriale au travers des élus parmi l’espace francophone.