Changements climatiques : gérer l’inévitable et éviter l’ingérable

Dans une lettre ouverte, publiée en collaboration avec des organisations et des personnes expertes dans les domaines de l’environnement, de l’économie et de l’aménagement, Vivre en ville met en avant la nécessité de coordonner les efforts en matière d’adaptation et d’atténuation pour la transition climatique.

Extraits de la lettre

« Les derniers mois nous ont ouvert les yeux, si c’était encore nécessaire : les changements climatiques, ce n’est pas pour demain, c’est aujourd’hui. Une tempête de verglas à Montréal en avril ; Baie-Saint-Paul coupée en deux par les inondations ; le glissement de terrain mortel de Rivière-Éternité, dû à de rares pluies diluviennes ; des milliers de personnes déplacées pour échapper aux feux de forêt au Québec et dans l’Ouest canadien ; Des millions de personnes touchées par la pollution de l’air…. Même si une nouvelle chasse l’autre, c’est de plus en plus difficile de retourner aux affaires courantes entre deux rappels climatiques.

La science est sans équivoque : si nous ne prenons pas maintenant la trajectoire nécessaire vers la carboneutralité, nous allons atteindre, dans peu de temps, un niveau de réchauffement mondial auquel aucune mesure ne nous permettra de nous adapter sur le long terme, peu importe les moyens consentis. Il faut gérer l’inévitable, mais il faut aussi éviter l’ingérable.

En matière d’adaptation, nous sommes à la croisée des chemins. Et à notre avis, l’une des deux routes va dans le mur : c’est celle qui consisterait à espérer obtenir de solutions techniques une protection impeccable contre les aléas climatiques, sans remettre en question notre façon d’occuper nos écosystèmes. Commençons par appuyer nos stratégies d’adaptation sur des données et des bases scientifiques solides. Nous adapter ne pourra pas se faire seulement en construisant de plus vastes égouts, des digues plus hautes, des murs plus étanches et des pylônes plus solides (même si cela peut faire partie de la panoplie des actions, bien sûr). Nous devons, aussi et surtout, repenser nos façons de vivre sur le territoire.

En priorité, il nous faut mieux utiliser le territoire urbanisé pour protéger les terres agricoles et les milieux naturels sur lesquels repose en bonne partie notre résilience. Plus on s’étend, plus on s’expose et plus on détruit les protections naturelles que sont les forêts et les milieux humides (entre autres). La sobriété territoriale est au cœur de l’adaptation aux changements climatiques – et de la réduction des besoins en énergie.

Nous devons aussi continuer à prioriser les stratégies basées sur la nature dans tous les milieux, de manière systémique. Et c’est là que nous avons tant à gagner. Un toit vert, c’est excellent pour réduire les îlots de chaleur, et c’est aussi un jardin de plus à partager. Des rues arborées, ce sont des rues où il fait bon marcher. Des cours d’eau à ciel ouvert, aux berges reconquises par la végétation, ce sont des parcs linéaires et un contact quotidien avec la nature. La transformation de nos milieux de vie et un accès collectif à plus de beauté et de qualité sont possibles, dans un esprit d’inclusion.

Alors que le Québec révisera au printemps prochain sa politique climatique, le Plan pour une économie verte 2030, misons sur des actions ambitieuses qui permettent simultanément de s’adapter aux bouleversements climatiques et de réduire les émissions. Aménageons des écoquartiers complets aux distances courtes et à la canopée protectrice, construisons des bâtiments efficaces, carboneutres et adaptés aux intempéries, bâtissons des milieux de vie résilients, même si cela implique parfois de revoir nos besoins et de changer nos façons de faire, etc.

Pour gérer l’inévitable, pour éviter l’ingérable*, nous avons devant nous un chantier qui est aussi un projet de société. Ce n’est pas tout à fait un choix : la crise climatique est là. Mais ce n’est pas seulement une obligation. Cela peut être la voie non seulement pour être plus en sécurité, mais aussi pour vivre mieux ».

*La nécessité de simultanément « gérer l’inévitable et éviter l’ingérable » est une formule du climatologue italien Filippo Giorgi.

Signataires :

  • Jeanne Robin, Directrice principale, Vivre en Ville,

  • Jérôme Dupras, Professeur, Université du Québec en Outaouais,

  • Joanna Eyquem, Directrice générale – Infrastructures résilientes au climat, Centre Intact d’adaptation au climat, Faculté de l’environnement, Université de Waterloo,

  • Sabaa Khan, Directrice générale, Québec et l’Atlantique, Fondation David Suzuki,

  • Julie Lafortune, Directrice, Chaire de recherche du Canada en économie écologique,

  • Élène Levasseur, Directrice recherche et éducation, responsable du programme de résilience climatique, Architecture Sans Frontières Québec,

  • Marie-Christine Therrien, Professeure titulaire et directrice du Cité-ID LivingLab gouvernance de la résilience urbaine, École nationale d’administration publique,

  • Isabelle Thomas, Professeure titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage, Université de Montréal, directrice de l’équipe ARIaction,

  • Colleen Thorpe, Directrice générale, Équiterre,

  • Martin Vaillancourt, Directeur général, Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ).

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