Au nom de l’arbre

Le 1er juin représente, pour le Togo, la journée de l’arbre. Célébrée depuis 1977, elle nous offre, en cette journée mondiale de l’environnement du 5 juin, l’opportunité d’un plaidoyer pour la protection du patrimoine arboré africain par Beaugrain Doumongue, Socioingénieur et Président de Construire pour Demain.

Un destin de feuille morte

Souvent décrite dans les débats et écrits officiels avec des accents quelque peu réducteurs comme ayant des fonctions relevant quasi strictement du triple ordre écologique, économique, social, la forêt représente bien plus…qu’un « peuplement monospécifique d’arbres (…). ». En effet, elle incarne l’image du vivant, la majesté et la beauté du monde qu’elle révèle de moult façons, et pas que pour le plaisir de l’observateur. Car oui, de ses vertus innombrables, apparentes ou non, elle porte en elle la vie et l’espoir d’une humanité emportée, volontairement ou non, dans le ruissellement d’un capitalisme exacerbé par la mondialisation.

La hache qui blesse l’arbre dans l’intention ferme d’en venir à bout, ouvrant ainsi le cycle de la chaîne de valeur raconte justement cette nécessité contemporaine, devenue presque normale. Un accord tacite se rompt à chaque fois qu’un arbre tombe au nom du profit. Car à chaque fois, c’est sa valeur écologique et paysagère qui se retrouve enténébrée, en même temps qu’elle tait le secours volontariste d’une conscience forestière constamment menacée, souvent apeurée et toujours insuffisante devant l’urgence.

L’urbanisation galopante est un facteur de risque pour la forêt, spécifiquement lorsqu’on prend conscience du mal-être déjà manifeste dans certaines agglomérations qui deviennent des cocottes-minutes, mais aussi des tonnes d’arbres abattus qui affadissent le regard et lui amputent l’essence du contemplatif. L’humain avance tête dans le guidon, dans le vent, prompt à s’assigner un destin de feuille morte. De même en abolissant l’arbre, il réduit son existence à une vie « de mollusque dans la coquille du marché ». Mais le marché n’a que faire de l’arbre… seul compte le bénéfice. Quid de l’avenir, ce bénéfice sacré que l’arbre seul autorise à une planète en sursis ?

Une vision d’épouvante

Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que l’arbre soit un/le ressort essentiel du développement humain durable, d’où l’importance de le protéger avec mesure de nos démesures…voire de sanctifier sa dimension pour ériger à la hauteur du sacrilège l’abattement abusif de l’arbre, pour sacré qu’il soit. Cela nécessite, certes, qu’un contenu soit donné à la notion d’abus, mais l’idée que dans la limite qu’il imposerait s’épuise celle de la transgression, paraît infiniment lourde de sens aux experts de l’association Construire pour demain.

De fait, panser les plaies écologiques revient à interroger le prescripteur et investir la norme, ce qui est de bonne guerre, car il s’agit d’un impératif de mobilisation des masses pour l’atteinte d’un but commun. Il est, en effet question de promettre au plus grand nombre un avenir. Cela suggère fort intuitivement que la société civile soit active sur le terrain du plaidoyer, mais sans doute, et cela est essentiel, que sa conscience ne tombe jamais sous la tutelle. Là seulement, nous pourrons conjurer l’idée d’un monde possible avec le juste minimum arboré en boutant hors la vision d’épouvante qui l’accompagne, espérer éviter la frayeur toujours malvenue de la diminution du couvert végétal, et regarder le forestier d’un œil décidé à faire mieux, pour intégrer le végétal dans le quotidien, car au fond, c’est ainsi et ainsi seulement que nous pourrons vivre le meilleur morceau de notre urbanité.

Si cette logique ne souffre chez le commun des mortels d’aucune contestation, alors l’humanité réussira la conquête d’une parcelle essentielle sur le terrain écologique. Plus encore elle pourrait tempérer le triste sentiment d’inéluctabilité qui accompagne la chute forestière. Alors, aux Togolais comme à tous les frères en humanité, indépendamment du temps qui s’écoule notre message reste identique : unissons nos efforts sur l’immense chantier du reboisement, plantons sans défaillance ; bâtissons une cité plus durable.

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