🇨🇭 Grand Genève : visions transfrontalières

Dans le newsletter n°147,  Sylvain Grisot, urbaniste et fondateur de dixit.net (agence de conseil et de recherche urbaine) nous explique que : “Genève ce n’est pas qu’un jet d’eau, le siège d’institutions internationales et de quelques banques. C’est un des territoires les plus dynamiques d’Europe, et les Ă©chos de son dĂ©veloppement dĂ©passent largement le canton. L’agglomĂ©ration compte plus d’un million d’habitants, et les tensions mĂ©tropolitaines sont exacerbĂ©es par la frontière, avec des emplois qui se concentrent dans le canton de Genève, et les logements en France”.

Le besoin de structurer le territoire ne date pas d’hier, et la collaboration transfrontalière a abouti à un projet d’agglomération au milieu des années 2000. Cette collaboration singulière porte désormais le nom de Grand Genève et couvre plus de 200 communes et 2000 km2 entre la Suisse et la France. Une nouvelle étape s’engage avec l’élaboration de la « Vision territoriale transfrontalière 2050 ». Ce n’est pas un document réglementaire, mais un processus de dialogue qui doit permettre de fixer un cap commun. Les territoires impliqués prendront ensuite le soin de le traduire dans leurs documents réglementaires.

Au vu de l’ampleur des enjeux de transition, c’est un renouvellement complet de la stratégie qui s’engage, avec comme donnée d’entrée l’arrivée attendue de 300 à 400 000 habitantes et habitants en plus d’ici 2050. Mais les documents de travail comme les échanges témoignent d’un changement d’époque. Car il n’y a pas que la jeune génération qui vit l’angoisse des lendemains qui ne chantent plus. Ils la partagent avec celles et ceux qui fréquentent le temps long. Eux aussi sont pris de vertige.

Les études qui structurent le dialogue montrent bien les limites du modèle du développement adopté par le territoire depuis quelques décennies. Il est confronté à deux impasses : la consommation de sols induite par l’étalement de la ville, et le panache d’émissions de CO2 des mobilités automobiles. Les documents d’urbanisme concentrent aujourd’hui les capacités d’accueil dans les territoires français les plus ruraux où l’offre de logement est distante des services comme des transports en commun. C’est donc à une accélération de l’étalement urbain et une intensification de l’usage de la voiture que l’on risque d’assister, s’il n’y a pas de changement de cap.

Le succès du Léman Express (le RER transfrontalier créé il y a trois ans) a ouvert de nouvelles perspectives, mais le territoire est toujours dépendant de la voiture individuelle qui génère l’essentiel des émissions de la mobilité terrestre. Seule une réduction drastique du parc et des kilomètres parcourus peut permettre de décarboner les mobilités du quotidien, la voiture zéro émission n’étant pas près de voir le jour. Difficile d’imaginer dans ces conditions l’accueil de 300 à 400 000 habitants d’ici le milieu du siècle sans accélérer l’étalement urbain générateur de mobilité carbonée . Ce qui est initialement une donnée d’entrée que la réflexion prospective doit intégrer, pourrait donc devenir une variable à interroger.

Le Grand Genève est un territoire soumis à une pression plus intense que d’autres, mais les questions qu’il se pose aujourd’hui vont donner le vertige à beaucoup d’autres. Pour le Grand Genève, cela nécessite de dénouer des questions complexes :

  • La croissance dĂ©mographique est-elle Ă©crite, possible, souhaitĂ©e ou souhaitable ?
  • Comment arrĂŞter Ă  court terme les dĂ©veloppements urbains et les investissements dans des infrastructures qui accentuent les vulnĂ©rabilitĂ©s du territoire Ă  la dĂ©pendance automobile ?
  • Comment inverser radicalement la tendance et concentrer le dĂ©veloppement urbain le long du rail ?

Ressources associées :

✉️ Lire la newsletter n°144 sur dixit.net

? Écoutez le Podcast Ă  Mathieu Petite, adjoint de l’urbaniste cantonale du Canton de Genève

Ressources documentaires

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